Etat de la crise le 15 novemvre 2008
La crise fait émerger de nouveaux pauvres 13/11/2008
Depuis septembre, les associations caritatives voient affluer de
nouveaux publics, dont de plus en plus de jeunes, de petits chefs
d'entreprise, et de salariés faiblement rémunérés.
La crise redessine le visage de la pauvreté
en France, s'inquiètent les associations caritatives. Depuis plusieurs
semaines la situation s'est détériorée, à tel point que le rapport
annuel sur la pauvreté du Secours catholique (version en pdf), qui sera
rendu publique jeudi «a un temps de retard», met en garde François
Soulange président du secours catholique. La récession a précipité dans
la précarisation des catégories inédites de la population. «Depuis
septembre et le début de la crise, on voit arriver des jeunes qui
débutent leur vie professionnelle. En intérim ou en CDD de trois mois,
leurs contrats n'ont pas été renouvelés», confie François Soulage. Du
côté de la Croix Rouge, on remarque que de nombreux étudiants mais
aussi des retraités, des employés en CDI et aux petits salaires, y
compris des fonctionnaires municipaux, requièrent désormais de l'aide
pour manger...
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Le Figaro
Phase IV de la Crise Systémique Globale : Rupture Système Monétaire Mondial d'ici l'été 2009
La réunion du G20 à Washington des 14/15 Novembre 2008, est en soi un
indicateur historique, qui signale la fin du monopole occidental, avant
tout anglo-saxon, sur la gouvernance économique et financière mondiale.
Mais, pour LEAP/E2020, cette réunion a aussi clairement démontré que
ces sommets sont condamnés à l'inefficacité face à la crise car ils se
limitent à traiter les symptômes (dérives financières des banques et
autres hedge funds, explosion des produits financiers dérivés,
volatilité extrême des marchés financiers et des devises, ...) sans
traiter la cause principale de la crise systémique globale actuelle, à
savoir l'effondrement du système de Bretton Woods fondé sur le Dollar
US comme pivot de l'édifice monétaire mondial. Sans remise à plat
complète du système hérité de 1944 d'ici l'été 2009, la faillite du
système actuel et des Etats-Unis qui en sont le cœur entraînera
l'ensemble de la planète vers une instabilité économique, sociale,
politique et stratégique sans précédent, marquée notamment par la
rupture du système monétaire mondial à l’été 2009. Au vu du jargon et
du calendrier technocratiques du communiqué de ce premier Sommet du
G20, totalement déconnecté de la vitesse et de l’ampleur de la crise en
cours (1), il plus que probable qu’il faudra d’abord en passer par
cette catastrophe pour que les problèmes de fond soient concrètement
abordés et un début de réponse efficace à la crise enfin amorcé.
Quatre phénomènes fondamentaux jouent
désormais à pleine puissance pour faire s'effondrer le système de
Bretton Woods II (2) dans le courant de l'année 2009, à savoir :
1. Affaiblissement très rapide des acteurs centraux historiques : USA, UK
2. Trois visions d'avenir de la gouvernance globale vont diviser les
principaux acteurs mondiaux (Etats-Unis, Eurozone, Chine, Japon,
Russie, Brésil) d'ici le Printemps 2009
3. Accélération incontrôlée des processus (dé)stabilisateurs de la dernière décennie
4. Multiplication de chocs-retours d'une violence accrue.
LEAP/E2020 a déjà largement anticipé dans les derniers numéros du GEAB
les phénomènes 1 et 4. Dans ce GEAB N°29, nous nous concentrerons sur
les phénomènes 2 et 3.
Ainsi, la fébrilité qui a saisi les
dirigeants mondiaux depuis la fin Septembre 2008 illustre clairement un
sentiment de panique au plus haut niveau. Les responsables politiques
de l'ensemble de la planète ont bien compris désormais qu'il y avait le
feu à la maison. Mais ils n'ont pas perçu une évidence : c'est la
structure même de l'édifice qui est en cause. Il ne s'agit pas
simplement d'améliorer les consignes anti-incendie ou l'organisation
des secours. Pour prendre une image symbolique forte, les tours
jumelles du World Trade Center ne se sont pas effondrées parce que les
pompiers ont eu du retard ou parce qu'il n'y avait pas assez d'eau dans
le système automatique anti-incendie : elles se sont effondrées parce
que leur structure n'était pas faite pour encaisser le choc de deux
avions de ligne les percutant quasi-simultanément.
Le système monétaire mondial actuel
est dans une situation identique : les deux tours, c'est Bretton Woods,
et les avions s'appellent « crise des subprimes », « crise du crédit »,
« faillites bancaires », « récession économique », « Très Grande
Dépression US », « déficits US », ... une vraie escadrille.
Première année des grandes corrections boursières (Dow, en %, depuis 1900) (la première année de la correction actuelle a été la plus violente depuis 1900, plus forte même que celle de 1929) - Source ChartoftheDay
Les dirigeants actuels, issus du monde qui s'effondre sous nos yeux
(Barak Obama inclus (3)), ne peuvent pas imaginer les solutions
nécessaires, tout comme les banquiers centraux n'ont pas pu, en
2006/2007, imaginer l'ampleur de la crise actuelle (4). C'est leur
monde qui disparaît sous leurs yeux, leurs certitudes et leurs
illusions (parfois identiques d'ailleurs) (5). Selon notre équipe, il
va être nécessaire d'attendre un renouvellement d'au moins 20% des
principaux dirigeants de la planète pour commencer à voir des solutions
viables (6) émerger. C'est en effet, selon LEAP/E2020, la « masse
critique » nécessaire pour envisager tout changement fondamental de
perspective dans un groupe humain complexe, peu hiérarchisé. On est
loin du compte aujourd'hui car ces nouveaux dirigeants, pour contribuer
réellement aux solutions de la crise, doivent accéder au pouvoir après
avoir pris conscience de la nature de la crise.
Pour LEAP/E2020, sans de telles prises
de conscience par les dirigeants mondiaux au cours des trois mois à
venir et leur traduction en actes dans les six mois à venir, comme nous
l'indiquions dans le GEAB N°28, la dette des Etats-Unis « implosera » à
l'été 2009 sous forme de cessation de paiement du pays ou de
dévaluation massive du Dollar. Cet effondrement aura été précédé de
plusieurs autres épisodes similaires affectant des pays moins centraux
(voir GEAB N°28), dont le Royaume-Uni déjà surendetté, qui voit sa
dette et ses déficits s'accroître presque au même rythme que ceux de
Washington (7). Tout comme la Réserve Fédérale US a vu, mois après
mois, ses « Primary Dealers » (8) être emportés par la crise avant
d'être désormais elle-même confrontée à un vrai problème de
capitalisation et donc de survie, les Etats-Unis verront dans l'année à
venir les pays les plus intégrés à leur économie et à leur finance, et
leurs alliés fortement dépendants financièrement (9), imploser les uns
après les autres.
Autorités monétaires contrôlant les plus importantes réserves mondiales de change - Sources FMI/BRI/Wikipedia , 10/2008
Le rôle des Européens en la matière est essentiel (10). La zone Euro en
particulier doit relayer un message très fort vers Washington : « Les
Etats-Unis vont tomber dans un trou noir économique et financier en
2009 s'ils s'accrochent à tout prix à leurs « privilèges » passés. Une
fois que le monde aura fait une croix sur le Dollar, il sera trop tard
pour rien négocier ». Avec plus de 550 Milliards USD, la zone Euro
possède ainsi les troisièmes (ex-aequo avec la Russie qui n’est pas
très précise sur ce sujet) réserves les plus importantes au monde
derrière la Chine et le Japon, et avant les pays du Golfe (voir tableau
ci-dessus). Elle a donc le poids diplomatique, le poids financier, le
poids économique, le poids commercial et le poids monétaire pour forcer
Washington à faire face aux réalités (11). L'ensemble de l’UE suivra
car tous les pays européens hors zone Euro sont aujourd'hui à la merci
d'une grave crise de leur devise ou de leur économie, voire des deux à
la fois (12). Sans l'Euroland, leurs perspectives à court et moyen
terme sont très sombres. D'ailleurs, l'Euro est la seule devise que
veulent rejoindre un nombre croissant d'Etats initialement réticents
(Islande, Danemark, ...) ou peu pressés (Pologne, Tchéquie, Hongrie,
...) (13).
Signe des temps, le Financial Times a
commencé à établir la liste des actifs matériels du gouvernement
fédéral américain : bases militaires, parcs nationaux, bâtiments
publics, musées, etc... tout a été évalué pour arriver à un montant
d'environ 1.500 milliards USD, soit à peu près le montant du déficit
budgétaire probable de 2009 (voir le détail des actifs sur le graphique
ci-dessous). Pas étonnant que Taiwan, pourtant très dépendante de la
sécurité fournie par Washington, ait déjà décidé d'arrêter d'acheter
l'une des trois grandes composantes de la dette publique US (les titres
Fannie Mae et Freddie Mac pourtant désormais « sauvés » par l'état
fédéral (14)) ; ou que le Japon soit devenu vendeur net de Bons du
Trésor US.
Que ceux qui, malgré nos conseils de
ces deux dernières années, ont investi dans ces mêmes Fannie Mae et
Freddie Mac, ou dans les bourses, ou dans les grandes banques
d'affaires US ou dans le secteur bancaire en général, se rassurent une
fois encore : tout cela ne peut pas arriver car « ils » l'empêcheront.
Seul problème : les « ils » sont désormais paniqués et « ils » ne
comprennent plus rien à une situation à laquelle « ils » ne se sont
jamais préparés. Comme nous l'avons expliqué dans le GEAB 28, 2008
n'était que le détonateur de la crise systémique globale. Voici
maintenant venir la phase IV, celle des conséquences !
Actifs du gouvernement des Etats-Unis (09/2007) - Source : US GOA / Financial Times
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Notes :
(1) On peut trouver ici le communiqué final en Anglais et une première analyse très réservée de la presse française, dans le Journal du Dimanche,
proche du pouvoir parisien, qui va certainement être du même ordre dans
la presse de l’ensemble des pays de l’Eurozone. Une chose est certaine
: ce Sommet du G20 n’aura rien fait pour calmer la crise, il risque
même d’inquiéter encore plus les opérateurs au vu du refus américain à
accepter que les vrais problèmes soient traités.
(2) N'en déplaise à Gordon Brown et
Nicolas Sarkozy, et à des médias peu regardant, Bretton Woods II existe
depuis les années 1970. C'est en effet à partir de 1971 et de la
décision unilatérale américaine d'abandonner la parité Dollar/Or, puis
des accords de la Jamaïque en 1976 qui n'ont fait que formaliser un régime général de changes flottants, que l'on est sorti du cadre initial de Bretton Woods pour entrer dans un système généralisé de change flottants (Bretton Woods II).
(3) Le future président des Etats-Unis semble en effet n’avoir comme
objectif que la mise en place de son programme de campagne (sécurité
sociale, infrastructures, réduction d’impôts pour les classes moyennes,
…) élaboré avant la crise et impliquant quantité de dépenses nouvelles
alors que l’Etat américain est déjà surendetté. C’est un programme
parfait … pour une Amérique qui n’existe plus que dans les discours
électoraux.
(4) Voir à ce sujet nos anticipations des GEAB n°17 et n°18.
(5) C'est ainsi le cas de des réserves en dollars US de nombreux pays
comme la Chine, le Japon ou les pays pétroliers du Golfe persique. Les
dirigeants actuels ne parviennent pas à imaginer que ces centaines de
milliards de Dollars US accumulés dans leurs réserves ne valent en fait
peut-être plus que 50% ou 30% de leur valeur faciale. Ce sont leurs
successeurs qui en tireront sans état d'âmes les conclusions
nécessaires, imaginant alors un système mondial très différent de
l'actuel.
(6) C'est à dire intellectuellement pertinentes et efficacement mises en œuvre.
(7) Ainsi c’est déjà le Royaume-Uni, du fait de sa récession forte, qui
fait baisser la faible croissance moyenne de l’UE en 2009. La
Grande-Bretagne va être l’ « homme malade » de l’UE pour les années à
venir.
(8) Il est très instructif de consulter sur Wikipedia l’historique des « Primary Dealers
», ces banques choisies par la Reserve Federal US pour être les
privilégiées ayant seules le droit de faire des affaires avec elle. En
effet, après une longue stabilité au cours des dernières décennies, on
constate tout à coup une réduction de la liste et l’énumération de «
primary dealers » disparus depuis le début 2008, tous balayés par la
crise.
(9) En termes d’alliés dépendants,
c’est d’ailleurs déjà le cas du Pakistan et de l’Ukraine désormais sous
perfusion du FMI, de la Turquie (dont la note de crédit vient d’être
abaissée), ... Attendons de voir l’Egypte, Israël, la Colombie
rejoindre la liste.
(10) Ce que souligne également Joseph Stiglitz dans son article du 11/11/2008 dans le Telegraph.
(11) Loin de notre équipe l'idée que la zone Euro ne fait pas face à de
graves difficultés également (voir notamment le GEAB N°28 pour les
perspectives économiques) ; mais au sein d'une crise historique comme
celle que nous vivons, ces problèmes paraissent mineurs comparés à ceux
des Etats-Unis, du Royaume-Uni ou même de l'Asie dans l'année à venir.
(12) Ainsi la Lettonie vient de
nationaliser dans l'urgence la seconde banque du Pays ; la Hongrie est
sous perfusion de la BCE et du FMI ; la croissance s'effondre en
Pologne ; le Danemark et la Suède s'apprêtent à entrer dans la zone
Euro dans les deux années à venir ; le Royaume-Uni est en perdition ;
...
(13) Source : NRC,
13/11/2008. On ne peut pas franchement en dire autant de la devise US
qui voit au contraire des pays vouloir se « dé-pegger » du Dollar
(supprimer le « peg », régime de change lié, qui les relie à la monnaie
américaine), voire même créer des devises alternatives, comme par
exemple les pétro-monarchies du Golfe persique et leur projet de devise
commune d'ici 2010. Source : GulfNews, 22/09/2008
(14) L’annonce d’une nouvelle perte record de Fannie Mae au 3°
trimestre (29 milliards USD) explique peut-être cela. Sources : Barron’s, 24/10/2008 ; MarketWatch, 10/11/2008
Dimanche 16 Novembre 2008