Ne soyons pas naif !
À
la suite du rejet du plan de sauvetage proposé par le congrès
américain, il y a quelque chose de troublant à propos de l’effondrement
de Wall Street, le lundi noir, qui n’a pas été abordé dans les médias.
De l’information avait circulé quant à l’issue du vote du Congrès.
On s’attendait à ce que le marché dégringole si le plan de 700 milliards de dollars y était rejeté.
Les spéculateurs, incluant les principales institutions financières, avaient déjà pris position.
Le
lundi noir du 29 septembre, les marchés du monde entier se sont
écroulés puisqu’on savait que le Congrès américain avait voté contre le
plan. La moyenne industrielle du Dow Jones a chuté de 778 points, un
déclin de presque 7 %, soit le plus important depuis le 17 septembre
2001, lors de l’ouverture des marchés après le 11 septembre.
En termes de pourcentage, il s’agit de la 17e chute la plus importante du Dow Jones Industrial Average
(DJIA) en une journée. Les personnes impliquées dans les transactions
spéculatives avant le rejet du Congrès ont fait des milliards en ce
lundi noir. Ils ont aussi fait des milliards mardi lorsque le marché a
rebondi, le Dow ayant remonté de 485 points, un bond de 4,68 %,
compensant largement pour le déclin de lundi.
Les
acteurs financiers disposant d’informations privilégiées concernant la
décision du Congrès ou ayant la possibilité d’influencer le vote de ses
membres ont fait des milliards de dollars lorsque le marché a
dégringolé.
Dow Jones (DJIA)
Ironiquement, presque le double (1,2
billions de dollars) de la valeur du plan Paulson (700 milliards de
dollars) a été rayé de la bourse des États-Unis ce lundi noir, le 29
septembre. « Avant même que la cloche sonne à l’ouverture des
marchés, ce lundi s’annonçait mal. Mais avant même que la cloche ne
sonne à nouveau au New York Stock Exchange, 7 folles heures et demi
plus tard, 1,2 billions de dollars avaient disparu du marché boursier
américain. »
Alors
que l’opinion publique célèbre le refus du Congrès d’adopter le plan,
la décision de la législature nourrit l’assaut spéculatif, qui à son
tour favorise une plus grande concentration de la richesse et du
pouvoir financier.
Qu’est-ce qui est le plus profitable aux spéculateurs? Le plan en soi ou l’argent qu’ils font
en spéculant à savoir si la proposition de sauvetage sera ou non
adoptée par le Congrès et implantée par l’administration américaine?
Les
banques se servent deux fois : elles bénéficient du plan de sauvetage
tout en faisant de l’argent en spéculant sur son adoption.
Un
mouvement de hauts et de bas en dents de scie a caractérisé les marchés
financiers ces dernières années : une dégringolade temporaire une
journée est compensée par un bond les jours ouvrables suivants. Pour
leur part, les analystes dissipent invariablement les mécanismes
spéculatifs et attribuent les rebonds au « regain de confiance des
investisseurs ».
Au cours d’une journée de transactions, la volatilité est considérable.
Il
y a eu de nombreux « lundis noirs ». Deux semaines avant la chute du 29
septembre 2008, lundi le 15 septembre, le DJIA a perdu 504 points (4,4
%). En moins d’une semaine, la dégringolade financière avait mené à une
perte de 800 points du Dow Jones.
Amplement documentées, les fluctuations à court terme des bourses sont l’objet de lucratives transactions spéculatives.
Ceux
qui étaient au courant de la décision du Congrès ont fait énormément
d’argent le lundi noir. Le jour suivant, mardi, lorsque les marchés ont
rebondi de 4,7% après une chute de 7 % du DJIA, ils ont encore fait
énormément d’argent.
La décision du Congrès était-elle, d’une manière ou d’une autre, liée à l’assaut spéculatif?
Les
« lundis noirs » sont potentiellement la source de profits inattendus.
Les revenus qui peuvent être dérivés par les institutions financières
sont énormes puisqu’elles ont non seulement prescience et possèdent des
informations privilégiées, mais aussi parce qu’elles ont la faculté de
manipuler les marchés
Les fluctuations sont-elles le résultat de la manipulation des marchés?
Dans
les deux dernières semaines, la Securities and Exchange Commission
(SEC) a interdit partiellement et temporairement la vente à découvert.
Nous ne savons toujours pas à quel point cette mesure s’avérera
efficace.
Cette
interdiction temporaire sur la vente à découvert atténue la tendance
spéculative, mais elle ne l’empêche pas. Ce type de transaction
consiste à vendre des actions que l’on ne possède pas et à les racheter
sur le marché au comptant lorsque le prix a chuté. « La
SEC a ordonné aux opérateurs, incluant ceux des fonds de couverture
(hedge funds), d’arrêter la vente à découvert de près de 800 actions
[…]. La mesure d’urgence obligeait aussi les grands dirigeants à
dévoiler quelles actions ils vendaient à découvert et leur interdisait
de spéculer sur la chute des prix. Cette mesure doit prendre fin jeudi
à minuit, à moins que les commissaires de la SEC ne décident de la
prolonger. » (Reuters, 30 septembre 2008) Les
bulletins d’information suggèrent que les marchés ont rebondi en
présumant que le Congrès allait adopter la version amendée du plan de
sauvetage de 700 milliards de dollars. Encore une fois, ce qui est
significatif, c’est qu’il y a plus de gains à faire avec la spéculation
sur l’adoption ou le rejet du plan qu’avec le plan lui-même.
Ce
qui se produit, c’est un mouvement à la baisse, suivi d’une hausse le
lendemain, suivi d’une autre chute et d’un autre bond. Le marché est en
crise, mais la tendance à la baisse n’est pas constante.
Les
spéculateurs institutionnels, incluant les institutions financières,
bénéficiaires cibles du plan Paulson, font des milliards de dollars en
spéculant lors de chaque fluctuation des ventes à découvert de la
bourse, lors des hauts et des bas journaliers.
Qu’est-ce
qui profite le plus aux banques? Le plan de sauvetage ou la spéculation
sur l’adoption ou le rejet du plan de sauvetage?
Il
existe des gains potentiels pour quiconque possède de l’information
privilégiée relativement à ce qui se passe derrière les portes closes
au Congrès américain, à ce qui se négocie entre le Congrès, le Trésor,
la Fed et les institutions financières de Wall Street.
De
la même façon, il y a des gains à faire en répandant des rumeurs sur
les négociations afférentes au plan de sauvetage et en spéculant sur
les éventuelles fluctuations des ventes à court terme des marchés
boursiers, résultant d’une information fausse et/ou trompeuse.
Dans les prochaines semaines, le plan Paulson sera à nouveau l’objet de transactions spéculatives à Wall Street.
Sera-t-il adopté? Si oui, sous quelle forme? Sera-t-il reporté? Sera-t-il rejeté?
Qui
plus est, la levée de l’interdiction sur la vente à court terme par la
SEC jouera un rôle proactif en exacerbant l’instabilité des marchés,
tout en facilitant l’appropriation supplémentaire de la richesse,
orchestrée par le biais des transactions spéculatives.
Les
spéculateurs de la fin des années 1920 appartiennent à une époque
révolue. Les transactions spéculatives d’aujourd’hui sont intégrées aux
fonctions normales des géantes institutions financières.
Qu’est-ce
qui profite le plus aux banques? Le plan de sauvetage ou la spéculation
sur l’adoption ou le rejet du plan de sauvetage?
Lors
de chaque dégringolade ou de chaque rebond, des gains spéculatifs
exceptionnels reviennent aux grands spéculateurs. Ceux qui ont tout à
gagner sont ceux qui entretiennent des relations privilégiées avec le
Trésor, le Congrès et la Réserve fédérale, tout comme ceux qui, dans
les coulisses, sont impliqués dans l’élaboration de la politique
économique et financière du gouvernement.