Gare à l'effet boomerang, analyse Avril 2006
Analyse tres interressante sur les indicateurs actuels et les consequences sur les menages d'une baisse mondiale du marche de l'immobilier...Haute probabilitee de deflation des economies occidentales, on pourrait contrebalancer cela en creant massivement des emplois...faible pari dans les mois a venir, une course contre la montre est deja commencee ! Alors si vous voulez un conseil avant le depart du Titanic, dés a present, EPARGNEZ et VENDEZ...enfin ..."c'est vous qui voyez"...
Pascal
Le point de vue de Nicolas Bouzou, directeur des études économiques de Xerfi
Le
taux d'épargne financière des Français a baissé, passant de 7,7 % début
2003 à 6 % aujourd'hui. Mettre moins d'argent « de côté », voilà un
comportement bien étonnant, compte tenu de la prudence traditionnelle
des ménages, du niveau élevé du chômage structurel et d'un contexte
économique compliqué. Pour bien comprendre, il faut analyser
l'évolution des patrimoines immobiliers. De fait, 60 % des Français
sont propriétaires, et la valeur potentielle de leur logement a
beaucoup augmenté ces dernières années. La valeur totale du patrimoine
des ménages s'est accrue de plus de 75 % au cours des dix dernières
années, dont les trois quarts sont liés à l'immobilier.
Ainsi, malgré le retournement économique de 2001 et l'évolution
poussive des salaires, les Français ont continué de se sentir chaque
année virtuellement plus riches. Ils estiment en conséquence pouvoir
dépenser une part plus importante de leur revenu, ce qui stimule la
consommation. C'est ce que les économistes appellent l'« effet richesse
». Si la croissance de la consommation est étroitement liée à un effet
richesse, il est indispensable d'analyser la dynamique du boom
immobilier. En fait, les encours de crédits au logement ont entamé leur
accélération courant 2002, quand les taux longs ont commencé à
descendre à des plus bas historiques (aux alentours de 4 % pour l'OAT
10 ans). Ainsi, les mensualités sur les crédits à taux fixes (80 % des
emprunts en France) ont diminué, d'autant plus que les banques ont
progressivement allongé la durée des emprunts pour atténuer l'effet de
la hausse du prix de la pierre. En décembre 2005, le rythme annuel de
progression de l'encours des crédits à l'habitat flirtait avec les 15 %.
Le problème, c'est que l'environnement financier se modifie rapidement.
La croissance soutenue aux Etats-Unis, le redressement de l'économie
japonaise, la flambée des cours du pétrole et des matières premières
ont poussé les autorités monétaires à réagir. Le nouveau gouverneur de
la Fed américaine, Ben Bernanke, a confirmé la politique de hausse des
taux, une orientation que suit aussi la BCE, et que devrait bientôt
prendre la Banque du Japon. Certes, il ne s'agit que d'une hausse des
taux à court terme, qui n'impacte directement que le coût des crédits à
taux variables qui sont encore assez peu développés en France. Mais ce
qui importe ici, c'est que les marchés financiers ont désormais pris
acte de cet environnement monétaire plus restrictif. Ainsi, les taux
longs aux Etats-Unis, mais aussi en Europe, sont orientés à la hausse
depuis le début de 2006. En France, les mensualités pour les nouveaux
crédits à taux fixes risquent de s'alourdir progressivement, ce qui va
inexorablement décourager une partie de la demande de logements (la
hausse des prix immobiliers ralentit déjà). Dans l'hypothèse la plus
optimiste, le marché français du logement va atterrir en douceur. Mais
la fin de la hausse des prix de la pierre, c'est aussi la fin de
l'effet richesse.
En effet, il faut bien comprendre que ce qui compte, ce n'est pas le
niveau des prix du patrimoine, mais son élévation qui se traduit par ce
sentiment que le patrimoine se constitue malgré un moindre effort
d'épargne. A l'inverse, la fin de la hausse des prix de la pierre va se
manifester par un surcroît d'épargne, et donc par un ralentissement de
la consommation. Un effet richesse « négatif » qui serait bien pire
dans l'éventualité d'un krach immobilier. Certes, l'impact ne sera pas
immédiat. Il faudra d'une part que les ménages perçoivent la
stabilisation (ou la baisse) de la valeur potentielle de leur
patrimoine, d'autre part qu'ils mettent en oeuvre une stratégie de
hausse de leur taux d'épargne financière. Cela prendra quelques mois,
mais ce phénomène de transmission négative sur la consommation est
désormais une hypothèse à forte probabilité. Ce risque est d'autant
plus élevé qu'il n'est pas propre à la France. Les Etats-Unis, comme
tous les grands pays européens (sauf l'Allemagne) et même certains pays
émergents, ont enregistré une flambée des prix de l'immobilier ces
dernières années. Si un krach survenait, il serait donc européen voire
mondial. C'est alors la demande intérieure de l'ensemble des pays
occidentaux qui serait touchée.
Pour la France, les conséquences seraient très négatives. Notre
économie ne tient en effet depuis 2002 qu'à la vigueur des dépenses des
ménages. Si l'éclatement de la bulle immobilière touche nos partenaires
commerciaux et affecte nos exportations, c'est la catastrophe. Quant à
la réforme du marché hypothécaire, destinée à stimuler le crédit à la
consommation, elle risque de survenir à contretemps. Car si la valeur
des biens hypothéqués n'augmente pas, ce mécanisme ne sera pas, par
définition, utilisé pour recourir au crédit à la consommation. En
clair, il ne reste qu'un seul levier pour que les ménages continuent à
dépenser ces prochains mois : il faut que leurs revenus réels
augmentent. Or, toutes les études empiriques le montrent : la masse
salariale ne progresse de façon robuste, au niveau macroéconomique, que
lorsque les entreprises du secteur privé créent massivement des
emplois. La baisse rapide du taux de chômage structurel est donc bien
la priorité économique absolue.